segunda-feira, 17 de novembro de 2014

Escravos do século XXI - Um dossier de Isabelle Hachey - 2


Alors, Settu a signé un pacte avec le diable.

L'homme de 36 ans a emprunté 20 000 roupies (370$) au propriétaire d'une briqueterie de la banlieue de Chennai, dans le sud de l'Inde. En échange, il a dû quitter son village pour aller fabriquer des briques et rembourser sa dette. Un labeur éreintant, brisant, infernal.

Settu se lève tous les matins à 5h, quand le soleil n'est pas encore brûlant. Pieds nus, il se déplace avec précaution sur le toit d'un gigantesque four à briques. Un travailleur y est déjà tombé. Il est mort brûlé vif.

Settu empile des briques sur sa tête et charge le camion qui les emportera à Chennai. Bientôt, la chaleur deviendra accablante. Pour ne pas mourir d'épuisement, Settu et les autres devront prendre une pause jusqu'à la fin de l'après-midi.

Puis, le travail reprendra. Settu s'échine comme cela depuis 10 ans. Il ne gagne presque rien. «Le propriétaire nous donne juste assez d'argent pour nous permettre de payer nos repas. Le reste, il le garde pour se rembourser.»

La servitude pour dettes

Settu est en «servitude pour dettes», presque réduit à l'esclavage, incapable de rentrer chez lui ou même de changer d'emploi avant d'avoir remboursé le propriétaire de la briqueterie jusqu'au dernier sou.

La pratique est illégale depuis 1976. Cela n'empêche pas les employeurs de faire des razzias dans les villages, en profitant de la pauvreté extrême des habitants pour les piéger. «Parfois, les propriétaires vont ramener une cinquantaine de familles par camion», dit Cyril Alexander, directeur d'une ONG locale.

Les travailleurs et leurs familles dorment dans des cabanes, sur le terrain de la briqueterie. Les femmes travaillent aux côtés de leur mari. Les enfants ne vont pas à l'école. Ils travaillent, eux aussi.

«Plus les familles sont nombreuses, plus le prêt accordé est important», dit M. Alexander. Les propriétaires s'assurent que les travailleurs ne parviennent jamais à s'acquitter de leur dette - même si, en réalité, leur dur labeur devrait les avoir remboursés depuis longtemps.

Des amendes risibles

«L'esclavage est interdit en Inde, mais cela se poursuit à cause de la connivence entre les organismes de surveillance, la police, les politiciens et les maîtres d'esclaves», se désole Kailash Satyarthi, défenseur des droits des enfants de New Delhi.

Pratiquement aucun propriétaire n'a été poursuivi en vertu de la loi adoptée en 1976. Personne n'a été emprisonné. Et l'amende de 2000 roupies (37$) imposée aux employeurs fautifs est risible, estiment plusieurs ONG indiennes, qui réclament une mise en oeuvre plus musclée de la loi.

Selon les militants, il y aurait toujours entre 10 et 40 millions de personnes en servitude pour dettes au pays.

Les autorités semblent avoir abdiqué. À Kanchipuram, ville connue pour ses fameux saris de soie, l'administration locale a mis sur pied des écoles de nuit afin de permettre aux enfants d'avoir accès à l'éducation tout en continuant à travailler pendant la journée.

Le système des castes est «l'une des fondations» de la servitude pour dettes, selon Human Rights Watch. Traditionnellement, les gens s'attendent à ce que les dalits travaillent gratuitement et n'aient pas accès à la terre. Un préjugé qui contribue à maintenir ces soi-disant «intouchables» dans un état d'esclavage et de perpétuelle pauvreté.

Settu reviendra après la mousson pour finir de rembourser sa dette. Et après? Rien ne l'attend à son village, dit-il. Il contractera un nouveau prêt.


Isabelle Hachey

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