quarta-feira, 28 de junho de 2017

Lettre de Guillaume Apollinaire à Lou


Guillaume Apollinaire (26 août 1880 – 9 novembre 1918) était un grand poète, mais aussi un soldat : en 1914, il s’engage volontairement pour l’armée française, à Nice. Lorsqu’il écrit la lettre suivante, il ne connaît Louise de Coligny-Châtillon, dite Lou, que depuis trois mois. Cependant, il l’aime déjà follement et n’hésite pas à se montrer explicite, au milieu de poèmes et de déclarations moins audacieuses. C’est encore à Lou qu’Apollinaire pense quand il passe Noël loin d’elle, avec ses camarades de l’armée — dans une atmosphère pour le moins virile et enflammée, elle aussi. La preuve dans cette lettre !

24 décembre 1914

Lou adore, je suis triste cette veille de Noël car voici le 3e jour que je ne reçois pas de lettre de toi. Tu m’oublieras terriblement. Et dans ce cas je ne sais s’il faut me désoler ou t’en vouloir. Il y a des moments où je t’en veux de m’oublier ainsi, et j’ai envie de te cravacher. J’ai essayé aujourd’hui un martinet et un fouet conducteur, les deux vont bien et je crois que tu y goûteras si tu ne tiens pas tes promesses.

Pourquoi n’écris-tu pas ? C’est insensé de me laisser ainsi sans nouvelles. J’en ai les nerfs malades.

Finalement j’aurai ma permission pour Nice et elle sera de 48 heures sur lesquelles beaucoup seront consacrées au voyage. Je te télégraphierai tout à l’heure.

[…]

Mais toi, Lou, écris-moi, dis-moi ce qu’il y a, ce qui se passe, ne me laisse pas inquiet. J’ai reçu des nouvelles d’Albert, mon frère.

Il y avait ce soir au courrier 42 lettres pour moi. J’ai paraît-il battu le record de tous les régiments de Nîmes où se trouvent en ce moment 17 000 hommes. Mais parmi ces 42 lettres pas une de mon Lou, mon Lou m’oublie. Mon Lou ne songe pas qu’il me rend malheureux et que s’il doit me rendre malheureux, il eût mieux valu qu’il ne vînt pas me faire de promesses, puisque j’étais parti sans espoir, maintenant qu’il a lui comme une certitude, s’il s’éteignait il faudrait rudement serrer les dents pour se reprendre.

Écris-moi, je t’adore mais je suis furieux. Écris-moi, Lou !

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