A la minute de silence le 18 juillet, après l’attentat à Nice, trois personnes ne voulaient pas s’approcher de moi. Ils ont dit : "Venez, on part ! On n’a pas envie de rester à côté de gens comme eux." Une dame m’a défendue, ils ont continué : "C’est mon droit, je ne veux pas rester à côté d’elle." J’ai eu très mal parce qu’on était là pour partager la douleur ensemble et ça s’est transformé en colère. D’un coup, dans mon pays, je n’étais plus à ma place.
Je mets le voile depuis mes 18 ans. Par choix. Ce n’était pas imposé par ma famille, c’est tout le contraire. Mon père était contre, dans le sens où il savait qu’en portant le voile, j’allais être exposée à des discriminations. Déjà, avoir un nom d’origine maghrébine, ce n’est pas facile. Il pensait que j’étais encore jeune pour porter un voile, surtout pour mon avenir professionnel. Ça me dérange qu’on me demande tout le temps pourquoi je porte le voile. On ne pose aucune question aux personnes qui ont les cheveux roses, qui ne sont rasées que d’un côté, qui ont des piercings… Chacun doit pouvoir s’habiller et vivre comme il l’entend. J’ai l’impression que, quand on demande aux musulmans de rester discrets, c’est qu’on ne veut pas nous assimiler à la culture française. C’est comme si on avait une maladie et qu’il fallait nous mettre en quarantaine pour que ça ne se propage pas. Etre "musulman discret" en France, ce n’est pas possible. La France est un état de droit, laïc, où les droits de l’homme doivent prendre le dessus. On ne peut pas nous demander d’être discrets vestimentairement parce qu’on est d’une certaine religion.
Je ne me sens plus à l’aise quand je me promène à Nice. Depuis l’attentat, l’atmosphère est très pesante. J’ai toujours une double peur : qu’un attentat se reproduise et d’être agressée verbalement ou physiquement. Cet été, mon mari m’a même dit : "Pour que ce soit plus discret, pour ta sécurité, le mieux c’est que tu mettes ton voile en arrière si tu sors le soir ou que tu es seule avec les enfants." Mais non, je garderai mon voile. J’ai l’impression que, de génération en génération, les combats se rajoutent. Mon père devait se battre contre la xénophobie. Nous, qui sommes nés ici, devons nous battre contre la xénophobie et l’islamophobie. Si ça continue comme ça, j’ai peur pour l’avenir de mes enfants.»
Fatiha, 33 ans, en recherche d’emploi dans la vente, à Nice (Alpes-Maritimes)
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