Je suis française, réunionnaise et de confession musulmane. Mais ce dernier aspect n’a pas besoin d’être annoncé, mis en avant dans mes relations aux gens. Se dire "française musulmane" n’a pas de sens : on ne dit pas "français juif" ou "français catholique". Je suis pratiquante au quotidien, je cultive certaines valeurs, certains principes. Mais cela reste de l’ordre du privé : je n’ai pas besoin de le cacher, ni de l’afficher d’ailleurs.
Je ne porte pas le voile, je n’ai jamais ressenti aucune pression à ce sujet. Ma mère et mes sœurs le portent. Cela n’a jamais empêché ma mère de travailler dans un bureau. Après, la capacité à vivre ensemble est peut-être plus prononcée à la Réunion. C’est une société qui s’est fondée sur ce mélange de cultures et d’origines. Les musulmans, catholiques, hindous, tamouls, chinois vivent ensemble depuis toujours et se respectent. A la Réunion, dans la même journée, on peut entendre les cloches des églises sonner et l’appel à la prière. Tout le monde est arrivé sur cette île avec l’envie de s’intégrer, au-delà des différences de pratiques, de croyances.
Demander aux musulmans d’être discrets, ça veut dire quoi ? Ne pas dire que je ne mange pas de porc ou de viande quand je vais au restaurant ? Ben non, je le dis, comme d’autres disent qu’ils sont végétariens ou sans gluten. Ou ne pas dire qu’on fait ramadan ? Quand je jeûne, je n’empêche personne autour de moi de manger et ça m’est égal.
La polémique sur le burkini, c’est un peu la crise de la peur du vide médiatique de l’été. Ça fait dix ans que cette tenue existe. Certaines le portent par pudeur, par complexe, par refus de ce culte du corps parfait en taille 36 et sans poil. Et ça concerne combien de personnes en France ? Tellement peu. Tout ça détourne l’attention de sujets beaucoup plus importants, dont les politiques devraient vraiment s’emparer : le chômage, les problèmes d’accès à la santé, la question des migrants, la guerre en Syrie, l’écologie. Les politiques devraient aussi plus travailler à l’intégration des jeunes, pour qu’ils aient une identité laïque forte et ancrée.
La laïcité doit être cultivée. Si aujourd’hui, on sent qu’on a besoin de la réaffirmer en France, c’est qu’on n’a pas dû en prendre suffisamment soin, qu’on a dû rater des choses en amont.
Nassima, 35 ans, infirmière et consultante en santé, Nanterre (Hauts-de-Seine)
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